A Tanjore, le musée d'art recèle des trésors de sculpture, en particulier des bronzes chola. La muséographie est terriblement vieillotte, avec des vitrines qui ferment comme elles peuvent, mais rien de bien grave. Le petit musée attenant est une sorte de mémorial privé, avec des tas d'objets un peu en vrac. Nous avons vu là le cartel le plus précis dont on puisse rêver :" Glass old things" Tout y est : la matière (verre), la datation (c'est vieux), la fonction (des trucs - ou machins...) Le tout avec une présentation intermédiaire entre Ie musée XIXe, les anciennes salles du MAN et le brocanteur du coin. Mais bon, certains petits musées français ne valent guère mieux.
Confiantes, nous sommes allées au musée de la ville de Pondichéry. Belles collections, assez grande ville, musée municipal, influence française : ça doit être bien.
Les collections sont effectivement très intéressantes : du mobilier colonial XVIIIe et XIXe, des bronzes Chola de toute beauté, et des tessons de céramique sigillée montrant l'importance des circuits commerciaux à l'époque romaine (et ça, c'est fascinant. même si c'est tout cassé) Bref, on n'a vraiment pas regretté.
Par contre, les conditions de conservation font frémir quand on a été formaté dans les locaux aseptisés du Louvre. Par exemple, les cartels des peintures sont glissés entre la couche picturale et le cadre. Ca cache un peu le tableau, mais au moins on sait de quoi il s'agit. Les épées se désagrègent littéralement dans les vitrines, il faut dire que l'hygrométrie est modérément contrôlée : il n'y a pas de fenêtres, juste des grilles aux baies. Et le climat local est quelque peu chaud et humide. Sans doute guère plus adapté aux manuscrits sur feuilles de palmiers exposés dans la même vitrine que du métal en état de décomposition avancée. L'original d'un courrier sur papier est magnifiquement mis en valeur, face à une fenêtre pour qu'on le voie en pleine lumière...
Les vitrines sont peu étanches, mais propres, c'est certain. On a vu la femme de ménage y pschitter du produit à vitre plein d'adjuvants antipoussière, antigraisse, etc... Ce qui retombe sur les épées ne peut donc leur faire que du bien. Quand elle a fini, elle pose le flacon de produit directement sur de vieux coffres en bois. On ne l'a pas vue faire, mais on est prêtes à parier qu'elle brique conscienceusement le miroir XVIIIe...
A l'étage, sur la terrasse, des vitrines "abritent" des spécimens géologiques. Les cartels sont précis, mais soit à l'envers, soit tombés sur l'étagère du dessous. Les bronzes sont mis en valeur, surtout le beau Nataraja qui est le clou de la collection : il émerge de papier crèche formant comme un rocher, sur un fond sombre de ciel étoilé. On ne le voit donc plus très bien, mais c'est beau! Les pithoi funéraires exposés sous l'escalier côtoient les bassines en plastique de la désormais célèbre femme de ménage.
A l'extérieur, dans une petite cour, des statues en pierre. les plus anciennes XIIe, les plus récentes XIXe. Disposées un peu comme ça vient, leur cartel sur les genoux. Le taureau Nandi est un peu de guingois sur la racine d'un arbre, mais il reste moins mal lotti que sa petite voisine enfouie sous un tas de feuilles mortes.
Bref, qu'on ne dise plus que nous n'avons rien fait à Pondichéry, on a travaillé dur, la preuve! Il resterait à décrire les méthodes de médiations culturelles, en particulier les jolis schémas des archéos qui ne veulent plus rien dire vu que les objets posés dessus ont été déplacés, ou la fantastique frise chronologique comparative des différentes civilisations, sur laquelle se côtoient Abraham, Miterrand, Naram Sim et le Buddha! Mais ce serait trop long...